
Time-capsule dans l’espace public, Transitoire ouvre à chaque levé de soleil, avant que l’employé.ée ou l’étudiant.e ne parte au travail, un nouvel espace de passage. Comme l’arrêt de bus, auprès duquel prend place le kiosque, cet entre-deux lieux s’ouvre aux passants-spectateurs afin d’extraire de notre vie quotidienne un espace, un temps intermédiaire. Salle d’attente, tapis roulant, vestiaire sont prélevés de l’indifférence et de l’oubli pour leur donner une nouvelle forme. L’exposition est une manière, à travers la rapidité d’exécution (montage et démontage), métaphore de nos vies frénétiques, de représenter sur cette place publique des dioramas ou des cabinets de curiosités de notre existence contemporaine. Sans revendication de critiquer notre monde actuel, ce lieu se transforme chaque jour en une poésie spatiale se formant en quelques heures par les artistes.
Ces installations seraient, comme définissait Parmiggiani à propos de ses œuvres, des « théâtres où c’est le silence qui est représenté ». L’exposition est une mise en scène de notre vie quotidienne, de ces choses insignifiantes qui la traversent un cours instant. A la fois silencieux et mouvant, le kiosque s’anime aussi par l’activation des corps dans l’espace. Du diorama, il se métamorphose alors le jour suivant en vivarium. Des performeurs répètent une performance ou déambulent librement, activent et interagissent avec les objets. Georges Didi-Huberman, à propos de ce souffle propagé dans l’espace par l’artiste, parlait de « la mise en mouvement du lieu, façon de le mettre en travail et en fable » (p. 34, G. Didi-Huberman , Génie du non-lieu) Puis le temps se suspend. Il s’agit de voir la matière s’altérer et d’écouter une voix nous parler des veilleur.e.s de nuit ou bien encore de s’arrêter sur l’éveil du matin. Les journées dédiées aux artistes s’identifient à cette heure bleue matinale, furtive et incandescente, mais qui s’étalent finalement dans le temps pour s’éteindre 24h plus tard. Les installations deviennent des objets de l’attente qu’il faut aller voir dans l’urgence car demain, elles auront été remplacées par une autre, puis une autre. Urgence du déplacement du passant-spectateur, urgence de l’action par l’artiste, urgence de la mémoire, du souvenir. C’est aussi accepter de ne pouvoir tout voir, prendre conscience d’être spectateur à son insu, devenir transitoire soi-même et apparaître dans ce non-lieu.




Texte produit dans le cadre de l’exposition Transitoire : Le Kiosque à Rennes, du 13 au 22 mars 2019, place de la République à Rennes.
Commissariat : Anouk Chardot & Fanny Gicquel
Artistes par ordre d’apparition : Vincent-Michaël Vallet, Léa Hochmuth, Dounia Ismaïl, Anouk Chardot, Collectif Uklukk, Charly Graviassy, Yann Larmor, Fanny Gicquel, Soto Labor.