
Parfois il ne suffit pas de grand chose pour mettre en exergue des manques intellectuels profonds. Aujourd’hui j’ai ouvert Art en théorie, 1900-1990, LE répertoire de textes critiques qui ont marqué l’histoire de l’art au XXe siècle. Malheureusement peu de traces d’auteures. Montrer les œuvres des artistes femmes, c’est un fait, il est crucial de le faire. Mais nous parlons peu des historiennes de l’art, des critiques d’art, des politiques engagées dans la culture ayant fait progresser les discours. Il est tout un pan fondamental de l’histoire de l’art à rétablir : la théorie.
Dernièrement je voyais passer une intervention d’Elisabeth Lebovici dans un article sous lequel, un commentaire disait : « trouvez-vous d’autres icônes ». Il est clair qu’elle est une référence en gender studies car elle a beaucoup écrit sur le féminisme, les théories queer, l’histoire de l’art et l’art contemporain. Mais pourquoi parle-t-on si peu des autres historiennes de l’art, essayistes, auteures de l’art contemporain ?
Si ce podcast est devenue une vraie mission engagée envers le rétablissement d’un équilibre artistes femmes-hommes, il m’est aussi cher de faire intervenir des figures décisives pour la compréhension mais aussi la formulation des courants et des lectures plurielles constituant notre monde de l’art. C’est aussi par leur travail colossal, que nous sommes de plus en plus capables de nommer ces artistes oubliées. Elles innervent la création de leur réflexion unique souvent dégenrée, décoloniale et beaucoup plus attentives à extraire la pluralité des identités. Sensibles à des questionnements qui les touchent elles-mêmes, elles permettent de donner une voix claire et saisissante des problématiques mises en valeur par les artistes et l’emploi de nouveaux matériaux, d’appropriation de médiums, de détournement d’objets, ou de réappropriation d’un vocabulaire.
Fabienne Dumont, connue pour ces recherches sur la figure de la sorcière, a produit un travail de répertoriation de textes écrits par des commissaires d’exposition, critiques et historiennes de l’art, sous le titre La rébellion du Deuxième Sexe (1970-2000). L’épaisseur du livre ravie les chercheuses comme moi à l’envie irrépressible d’irriguer leurs réflexions déchargées d’un poids patriarcal et figé par des codes artistiques validés selon une catégorie de la société, seule juge d’identifier les œuvres étant dignes de faire partie de l’Art. Disons le clairement, les théories féministes anglo-américaines m’ont rafraichies des discours d’hommes bien trop sûrs d’eux-mêmes.
Alors pour n’en citer que quelqu’unes et introduire le sujet, je peux déjà vous rediriger vers elles, ces auteures dont les textes ont été traduits de l’anglais au français dans l’anthologie de Fabienne Dumont : Lucy R. Lippard, Laura Cottingham, Amelia Jones, Rozsika Parker, Griselda Pollock, Linda Nochlin, Gen Doy, Abigail Solomon-Godeau, Lisa Gail Collins, Lisa E. Farrington, Judith Halberstam.
